Le soir tombait sur les bas quartiers du port. Il était temps pour Athénia de quitter les sous-officiers qui élaboraient le plan d’attaque du chef de Beltona avec elle. Elle avait un rendez vous urgent. Elle claquât la porte du hangar désaffecté où les soldats débattaient sur la technique le plus radicale pour assassiner le chef et s’avançât dans l’air humide du soir. La lune éclairait d’une lumière crue les rues désertes. Une forte odeur de moisi et de brûlé planait dans la brise glacée. Athénia s’engouffrât dans une rue obscure éclairée par la lumière hésitante de l’enseigne lumineuse d’un bar. L’enseigne, qui indiquait « Barbar’s bar », clignotait de manière saccadée et était si vielle que la plupart des lettres en néon ne donnaient plus de lumière.
Athénia poussât la porte du bar. Elle s’ouvrit dans un grincement de ferraille rouillée sur une pièce éclairée par des bougies. Une nappe de fumée planait au plafond, répandant partout son odeur de « Muscaria » séchée, le tabac des marins. Assis aux tables, des liloows aux allures de guerriers discutaient à voix basse ou se lançaient des injures d’une table à l’autre. Athénia se dirigeât vers le barman, accoudé au comptoir au fond du bar.
« Je cherche Thyor »
« Qui vous dit qu’il est ici ? »
« C’est Coram qui m’envoie. »
Le barman désignât de la tête une porte à sa gauche, et Athénia la poussât, se méfiant tout de même. Une embuscade, un piège, c’est si vite arrivé. C’est quand on s’y attends le moins qu’on vous saute dessus avec une arme et que vous ne pouvez rien faire. Mais il n’y eut aucun piège. Thyor était bien là, assis au fond de la salle, entouré d’une voile de fumée opaque aux reflets bleutés, dégagée par le mégot restant d’un cigare au muscaria.
« Alors, Athénia ? Ta méfiance sans pareil m’a rendu la tâche de te retrouver très difficile… »
« On est jamais trop prudent… »
« Exact. J’ai été mis au courrant de ton plan aérien pour attaquer notre noble cible. Idée ingénue… Idée osée… Très mauvaise idée ! »
« Quoi ? Mais tout allait fonctionner à merveille ! »
« Erreur ! Si c’est facile pour toi, dit toi qu’eux y ont sans doute pensé ! Il ne se laisseront pas attaquer si facilement ! »
Athénia se tût, abasourdie.
« Tu n’y avais pas pensé !?! »
« … »
« Je le savais… j’ai bien fait de t’appeler. Ton idée ne manquait pas de ressource, tout de même. Utiliser des lilOow’s volant pour les attaquer, capturer le chef, le tuer, prendre tout Beltona en otage… Bien, bien… Mais lui, il est protégé par des maîtres volageurs, Athénia ! Des maîtres volageurs ! Tes meilleurs mercenaires du Chaos ne pourraient pratiquement rien faire contre eux ! Tu joues les malines, mais tu épuises tes troupes dans des entreprises vouées à l’échec ! Frappe fort là où ça fera mal ! Frappe bien ! L’important n’est pas le nombre de coups que tu donnes, ou la force à laquelle tu les lances ! L’important est de bien viser pour ne pas rater sa cible ! Je te l’ai appris. Tu le sais. »
Thyor avait débité tout son discours sans élever une seule fois la voix, mais on sentait dans son intonation une profonde déception.
« Réprimande moi si ça t’amuse » lançat Athénia, « Mais pendant que tu fumes du muscaria caché au fond de ton bar infâme, moi je rencontre le général en chef des armées de Darckside, et je me démerde toute seule ! Respecte un peu mon boulot »
« D’accord, d’accord, tu as pas mal avancé. De mon côté, je suis partis à le recherche de nouveaux mercenaires, j’ai élaboré des plans, je suis allé en repérage sur les lieux… Himaïto est l’endroit rêvé pour tuer un chef, vraiment. C’est très vallonné, il sera facile de se cacher, ou de se faire passer pour des Beltoniens. »
« Bien. Je suis venue ici pour rassembler les troupes. Nous partirons demain à l’aube pour Himaïto, comme tu me l’as conseillé. »
« Bien. »
« Bien. »
« Bon courage. »
Athénia se levât et se dirigeât vers la prote. Au moment de sortir de la pièce, elle se retournat une dernière fois pour graver au fond de sa mémoire le visage de son unique grand frère, Thyor, qu’elle ne reverrai jamais.